lundi 2 janvier 2012

Dr Ducon.

"Le célèbre nutritionniste Pierre Dukan, connu pour son régime hyper-protéiné, qui estime que "le surpoids est un véritable problème de santé publique", a écrit au chef de l'Etat. Son ouvrage Lettre ouverte au président de la République sort jeudi et Pierre Dukan dévoile lundi dans le journal Le Parisien/Aujourd'hui en France ses propositions pour combattre l'obésité.

"L'idéal serait que les industriels français comprennent qu'il y a de l'argent à gagner en produisant des aliments moins gras", assure-t-il. Dans cet ouvrage, Pierre Dukan fait des propositions concernant l'Education nationale. Il prône "une option 'poids d'équilibre' au baccalauréat". Il s'agit, pour les lycéens, d'obtenir des points pour l'examen de fin d'année simplement en gardant "un indice de masse corporel compris entre 18 et 25 entre la seconde et la terminale". Pour le nutritionniste, "ce serait un bon moyen de sensibiliser les ados à l'équilibre alimentaire", explique-t-il dans le journal."


source: Europe1.fr

Cher Mr Dukan,

J'ai suivi il y a quelques années votre fameux régime protéiné. Après avoir été une adolescente pulpeuse, la vingtaine ne m'a pas épargnée, et vu que Mad Men n'existait pas encore, dans l'inconscient collectif, je n'étais pas un ersatz de pin-up sudiste, mais une GROSSE. Bouh, bouh, sale. Je n'en pouvais plus du regard des autres sur mes formes généreuses, je ne pouvais plus supporter de chercher la petite bague sur les cintres dans les boutiques, qui indiquerait 42-44 sur une jolie fringue, et de voir celles-ci s'arrêter au 40, un chiffre inscrit en lettres de feu dans mon esprit de GROSSE.

Un beau jour donc j'ai commencé à ne manger que des protéines. Le premier jour ç'a m'a fait rigoler, de déclarer la guerre à mon corps. "Les gars, ya un blème au secteur estomac: Bouboule ne nous envoie que des protéines ce matin!" "Les gars, le pôle cellulite est en feu, c'est pire que Wall Street en 29 là-dedans!". J'ai carburé au surimi de la colère, pendant dix jours, avant de revoir ne serait qu'un haricot vert dans mon assiette. J'ai fêté mon anniv en plantant 24 bougies sur un steak tartare. Je n'ai pas bu une goutte d'alcool, pas mangé un seul chocolat, et tous les dix jours, je disais au revoir aux légumes et repartait sur un régime carnassier. Quand j'avais le temps et le fric pour faire la fameuse crêpe Dukan, c'était la grosse teuf, l'illusion d'une douceur, d'une trêve, et je refusais, en me regardant dans la glace, de voir que je devenais aussi grise que ladite crêpe.

Au bout d'un mois, mes potes ne me reconnaissaient pas de loin. J'entendais mes parents se demander si je ne me droguais pas. Je passais ma main le long de mes hanches, sur mon ventre, effrayée par ce nouveau corps qui me paraissait mutilé, artificiel. Je voulais voir apparaître des plaines, des infinis lisses et fermes, je voyais les os de mes hanches et une peau creusée. Mais au moins, le regard des autres changeait aussi : on ne me regardait plus du tout. J'avais perdu douze kilos. Et je me détestais encore plus que quand j'étais grosse.

Dans le régime Dukan, on a droit, lors de la phase de consolidation, à un dîner de gala par semaine, où on mange ce qu'on veut. Je ne savais même plus ce qui me faisait plaisir. Et je me suis ruée sur tout ce qui m'avait faite grossir avant, que je n'aimais pas forcément mais qui était interdit donc cool: de la graisse, du fast food, des trucs exécrables. Si on est ce qu'on mange, cette phase-là a été une énorme crise identitaire.

J'ai repris sept kilos. Avec des cernes en prime et une immense lassitude, un sentiment de défaite sur moi-même, sur la vie. Jouer les Tank Girl carnivores: fini. Savourer à sa juste valeur un éclair au chocolat: fini. La bouffe, saine ou grasse, régissait toute ma vie.

On en était à l'ère des autoportraits Myspace, que je parcourais de longues heures. Le monde était bourré de gens trop gros qui maîtrisaient la contre-plongée. De gens trop maigres qui posaient à poil. Cicatrices, tatouages, scarifications, cernes, graisse, os, tout le monde commençait à se montrer, en deux clics de souris. Ces corps n'étaient pas photoshopés, ils étaient plein de défauts.

Alors il m'est apparu que si je voulais vraiment en chier grave et me poser des défis insurmontables, il y avait bien un truc que je n'avais pas encore tenté: m'aimer comme j'étais.

Un corps humain, c'est aussi des cheveux qui appellent la caresse, des bouches qui font chavirer quand elles sont gourmandes, une peau douce ou rugueuse qu'on parcourt avec les doigts comme pour lire un texte en braille, des odeurs chaudes, quasi magiques, qui rendent plus heureux, quand on va les chercher dans une nuque, que d'être arrivé à rentrer dans un 38. Tout ça, je l'aimais chez les autres, je pouvais l'avoir aussi, grosse ou pas.

Docteur Dukan, votre régime n'est pas le premier que j'aie essayé. Il a été aussi inefficace que les autres, mais en prime, il m'a rendue très malheureuse. Vous êtes un chantre de la minceur, et aussi un ennemi du bien-être depuis aujourd'hui, avec votre sale petit projet rappelant de façon moins crade les exactions du docteur Kellog, qui s'intéressait aussi de très près au développement des adolescents, à grand coups de céréales, mais aussi de phénol sur les parties pour les discipliner.


Je suis devenue une grosse rebelle qui se kiffe. Ma salle de bains croule sous les produits de beauté, j'hésite entre arrêter d'acheter des fringues et déménager. Je me suis forcée à montrer mes jambes, à balancer mes pulls trop larges. Je ne me goinfre plus, j'abuse, certainement, mais je sais que j'aime les macarons à la vanille, le foie gras au pain d'épices, des trucs de grosse, ouais, qui me mettent le rose aux joues et sont une mini-fête à chaque bouchée. Je refuse de haïr les maigres comme la presse féminine et la pression sociale pourraient m'inciter à le faire. Je me fais siffler dans la rue, bombarder de textos, je suis montée sur scène en corset et stilettos, et des copines pourtant bien foutues m'ont dit que ça leur faisait du bien de voir une meuf normale s'éclater sur scène, pas une GROSSE, non, une meuf normale.

Ce mot que je détestais et qui pourtant me va très bien, malgré ce que vous en pensez, cher Mr Dukan...
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3 commentaires:

mandytxc a dit…

dans la bouche (ou de la plume) d'un gars qui propose un régime destructeur a base de protéine à prendre avec 10 complément alimentaire, demander d'apprendre aux gosses l'équilibre alimentaire, c'est un peu le roquefort qui dit au camembert qu'il pue.

ekiben a dit…

Merci. Et des bises jolie Poulette !

Guu a dit…

En tant que rousse 42/44 passée par la case Dukan (mais dégoûtée bien avant d'avoir de tels résultats).. Merci =)