Il y a quelques mois, en contrat à
Limoges, je rentrai quelque soirs de suite dans mon appart avec une
certaine impatience, me lover dans une couverture, “Apparences”
en main. Deux soirs pour être exacte. J'ai dévoré le livre de
Gillian Flynn, un polar étourdissant, dont l'adaptation ciné est
sortie aujourd'hui.
Je l'ai vu ce matin; c'est beau
d'assister à une telle réunion de talents. En général le principe
même de blockbuster, de supergroupe, de projet au casting de brutes, a tendance à me faire un peu rigoler. Le foie gras et
le saumon ça bute, mais pas ensemble sur la même tartine.
Un couple se rencontre, s'aime aux
premières secondes, de cet amour complice dont nous avons tous rêvé.
Lui, c'est Nick, parfait guy next door, elle, c'est Amy, belle
brillante et riche, ridiculisée par des parents l'ayant transformée
en héroïne pour la littérature jeunesse. Lui, prêt à la sauver,
elle, de sa super vie et à lui offrir une vraie vie en retour. Ils
sont beaux, si bien assortis, marrants, on les adore. Jamais seuls à
l'apéro, c'est ce couple invité à tous les mariages de l'année,
ceux dont on espère en les fréquentant qu'un peu de leur grâce
déteindra sur nous.
Le couple affronte avec grâce toujours, toutes les étapes du mariage, puis toutes les scories d'une époque de crise, puis ils perdent leur boulot, quittent Manhattan pour le trou du cul du monde du Midwest, pour s'occuper de sa mère à lui, malade. Quelques soucis s'installent, ils s'aiment peut-être un peu moins, pas de quoi s'affoler. Mais pourtant, un matin, elle disparaît. Et ça sent fort le roussi pour lui.
Le couple affronte avec grâce toujours, toutes les étapes du mariage, puis toutes les scories d'une époque de crise, puis ils perdent leur boulot, quittent Manhattan pour le trou du cul du monde du Midwest, pour s'occuper de sa mère à lui, malade. Quelques soucis s'installent, ils s'aiment peut-être un peu moins, pas de quoi s'affoler. Mais pourtant, un matin, elle disparaît. Et ça sent fort le roussi pour lui.
L'amour, tiens.... Nous avons tous rêvé de cet amour qui nous transcende et nous révèle à nous-même, qui nous apprend qu'être imparfait est normal, et qu'on ne sera vraiment aimé qu'en l'admettant. C'est une saine leçon. Perso ça m'a rapporté un jules qui est encore et toujours là malgré mon tatouage de Star Wars et mes vieux cds de Limp Bizkit. Il est jeune et fauché, je le suis un peu moins. Nous avons eu notre lot de petits et gros, voire très gros problèmes. Mais nous ne jouons pas l'un avec l'autre. Interdit. On s'est vus chialer, hurler, exploser de colère, être tristes, paniqués, on se frite, on n'est pas d'accord, on trouve les compromis,on fait comme on peut. Ca c'est entre nous. Et en public, nous nous fichons un peu de la représentation sociale de notre couple, ce qui est sans doute une bonne chose, en tout cas, cela nous correspond. Nous ne sommes ni charmants ni sortables partout. Et nous n'avons aucune pression des autres, aucune attente sur nos épaules. Je suis beaucoup moins dans le rôle du clown de service, lui n'en a jamais rien eu à carrer. Pas de représentation.
Apparences, ou Gone Girl au cinéma, c'est l'histoire d'un couple qui se prend soudain cette notion d'apparence en pleine poire. Le paraître, ce qu'on donne à voir de nous, dans notre couple, puis en public, et ce qu'en font les gens. Comment une histoire d'amour se retrouve sous les projecteurs, les actes et les personnalités de l'un et l'autre jugés et discutés par un pays tout entier, au fur et à mesure que les jours passent sans nouvelles d'Amy, mais avec un lot de révélations accablantes chaque jour au sujet de Nick.
Il serait criminel de ma part de vous en dire plus sans spoiler comme une catin, mais je peux quand même vous dire ceci: vous allez remettre en perspective toutes les rumeurs qui vont ont régalés au comptoir, sur le Net, dans les téléphones arabes dont ont fait les frais toutes les petites gens que vous connaissez, après avoir vu ce film.
De très bonnes critiques de Gone Girl
sont déjà parues sous des plumes plus intelligentes que la mienne,
notamment le Monde.fr, parlant du discours politique de Fincher, qui
effectivement, lamine sans complaisance la société américaine dans
son ensemble via son film. Et tous ses personnages. La toy girl de
service, c'était celle de Blurred Lines, de Robin Thicke. Les
parents d'Amy? Pompeux et grotesques comme des télévangélistes.
Tous à baffer, tous interprétant ces gens qui s’avilissent
volontiers dès qu'une caméra se fixe sur eux. C'est à frémir et
c'est pourtant notre quotidien.
J'ai subi plus qu'apprécié la
confession de Valérie Trierweiler, lue parce que mes auditeurs la
lisent aussi. Loin de moi l'idée de contester la légitimité de ce
livre: le fond se comprend, la forme est juste assommante, voilà le
seul reproche à lui faire. Loin de moi l'envie de plomber les mecs
de Mastodon pour avoir fait twerker des meufs dans leur dernier clip:
si, malgré leurs déclarations désolées, la manip consistait juste
à les faire buzzer, ils restent dix mille fois moins injurieux envers les femmes que
ce groupe de reprises vu au before du Hellfest, dont le chanteur
avait soudain éructé au début de Girls, girls, girls: “allez les
nanas là, on veut monter sur scène? on montre ses nichons, je veux
des nichons!”
Reste qu'ils ont dû avoir des sueurs froides,
Valérie, les pauvres barbus d'Atlanta, en se voyant ainsi dézingués.
Quelle plaie, en 2014, que de devoir gérer et contrôler son image
publique quand les tirs de scuds s'affichent en un quart de secondes
sous une vidéo ou un article. De ne jamais avoir droit à
l'erreur....
Gone Girl parle de notre obscénité,
tout ce qu'on ferait pour avoir le contrôle de notre image, de ceux
qui y arrivent, et ceux qui se plantent. Ce n'est pas la première
fois que Fincher parle d'obscénité: son serial killer la
pourfendait dans Se7en. Son Zuckerberg l'exploitait dans The Social
Network. Là c'est plus simple encore.
Là, mes amis, nous avons droit à une
partition jouée avec précision, intelligence et respect de l'oeuvre
originale. Ducasse, le grand chef, après des années d'effets de
manche et de poêlons, ne jure plus pour le dessert que par de
simples figues à peine brossées de leur poussière, Fincher devient
quant à lui un véritable Ducasse du cinéma: un scénario désossé
de ses aparté, et les acteurs parfaits. Choisis avec cruauté
tellement Ben Affleck est le bonhomme terre-à-terre et trop doux
pour n'être pas un peu veule. Tellement Rosamund Pike, trop vite
classée blonde polaire, incarne avec précision son
personnage de femme à la dérive.
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