mercredi 3 décembre 2014

Pour qui sonne le glas

Au début des années 2000, quelques-uns de mes potes avaient un groupe de rock à Toulouse. Ca s’appelait Seaside, je les ai déjà évoqués il y a quelques temps, et pour une gamine, connaître un groupe c'était la grande aventure. On était une bande de potes soudée autour d'eux, ça a duré quelques années, jusqu'aux prémices de l'âge adulte, celui qui amène les questions qui fâchent et font prendre les premières décisions difficiles. Ce que je vais évoquer remonte à plus de dix ans maintenant, et si ma mémoire ne me joue pas des tours, mes potes de Seaside s'étaient réunis un soir pour mater "Some Kind Of Monster",le docu-thérapie de groupe de Metallica.

 De leur propre aveu, ils ont splitté quelques jours après.






Yohan aura sans doute du mal à me confirmer ça, officiant maintenant à la batterie de Cats On Trees, je ne pense pas qu'il aura le temps de lire ce post.  Peut-être JB, alias Marti, si tu passes par là garçon: légende urbaine que cette anecdote, ou bien la vision des Four Horsemen, méta-millionnaires, empereurs de la musique saturée, et pourtant incapables de passer le stade anal, vous avait-elle bel et bien convaincus à l'époque que faire de  la musique était un aller simple vers l'enfer?

On l'a rematé il y a peu. Mon homme a une certaine tendresse pour St Anger, l'album conçu pendant ce documentaire, je l'ai pour ma part toujours détesté. Manque d'empathie, il est vrai. Quand j'ai vu ce film il y a dix ans, les mecs de Metallica m'étaient apparus dans toute leur connerie, l'alcoolique, le control freak, l'autiste. Pas de quatrième puisque le déclencheur de la crise amenant "Some Kind Of Monster", c'est le départ de Jason, le bassiste, lassé de devoir s'excuser d'exister à la place de Cliff Burton.

Cliff Burton était LE bassiste de Metallica, et plus franchement, était aussi son âme. Metallica est devenu titanesque grâce à lui, et a payé le prix fort de ce succès: à quoi bon te rouler dans les billets et la dope si ton meilleur pote n'est pas là pour en profiter avec toi?

Ce qui est raconté dans Some Kind Of Monster, c'est la lassitude de ces gars de cinquante ans, à la tête d'un empire financier, se croyant obligés de rester ensemble, d'un pour la thune, jamais assez de thune, de deux, sans doute pour que Cliff Burton ne meure pas une deuxième fois. Je le comprends en l'écrivant. Comme quoi tu peux avoir touché les étoiles et ne toujours pas savoir lâcher prise.


Camille, avec Jamestown, vit ce moment intéressant de la carrière d'un groupe où tout est encore possible. Se planter, marcher, tout changer, ne toucher à rien, pas encore de réseau, peu de potes dans ce milieu,  ils ne font de la musique que pour la musique. Je reste marquée pour une discussion d'il y a quelques mois. Camille est punk. Bien plus punk que la plupart des grandes gueules à tatouages apparents que je connais. Je m'inquiétais des effets de son tic de scène favori, à savoir se jeter sans prévenir dans un public pas assez remuant à son goût, puisqu'il fait quand même quasi deux mètres et n'est pas taillé dans un bâton de sucette non plus.
Réponse parfaite, cinglante: "Je m'en fous. On s'en fout. On vend pas des churros, on fait du rock. C'est le public, pas nos CLIENTS."




Je l'ai vu faire exploser de rire son public, ce mec-là, je l'ai vu aussi envoyer chier les classiques relous trop pintés, en s'inquiétant peu qu'ils se tirent ou n'achètent pas le CD.  Il est chez lui sur scène, mais il ne joue jamais la comédie. Son maître à penser, c'est Devin Townsend.




En voilà un qui les mériterait, les millions de Metallica, tant la totalité de son oeuvre est sincère, sa créativité impossible à juguler. Quand Metallica accouche péniblement d'un St Anger, après la détox de James, Devin arrête de prendre les médicaments soignant son trouble bipolaire, précisément pour accoucher d'Alien, avec Strapping Young Lad. Devin Townsend est le Robin Williams du metal. Toujours la bonne vanne, le bon riff au bon moment, conscient d'être fragile, et se déversant sans fard dans ses compos. Punky Brüster, son gros glaviot parodique racontant le destin d'un groupe qui se vend et se pervertit pour le succès? Un des meilleurs albums de punk rock de l'histoire. Les femmes autour de lui? Anneke Van Giesbergen, ex-The Gathering, Dominique Persi de Stolen Babies, qu'il magnifie, à qui il confie des rôles et des lignes de chant sublimes

. Devin était un gamin taré, drogué, la fin de SYL, il l'a voulue pour s'occuper d'abord de lui,et de sa famille. Résultat?  il est maintenant quadra et papa, toujours aussi fou, il pète le feu et il fait deux fois plus de musique qu'avant.

L'avenir pour Metallica serait d'arrêter les frais. C'est pas grave les mecs. Lars tu n'as plus envie de jouer. Ca ne t'intéresse plus, je te vanne sur Facebook une fois par semaine en prétendant que le prix du billet pour le Hellfest a monté pour te payer des cours de batterie alors qu'au final vous n'y serez même pas, on va se taper Slipknot et Scorpions à la place,  Kirk, tu veux refaire des solos, fais donc mec, remonte un truc et sois le patron pour une fois.

 James, arrête, arrête, tonton, arrête avec ce groupe, arrête d'aller buter des ours pour compenser. Laisse partir Cliff. Lui t'aurait dit d'aller envoyer tout ça se faire foutre, et de faire de la country. Ou de ne plus rien faire si c’est ce que tu veux. Mais ça serait dommage. Tu ne dois rien à Cliff, ni à Metallica, ni à nous.

 On n'est pas tes clients.



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