vendredi 26 octobre 2012

Cracks


La synchronicité est un terme élaboré et long en bouche qui pour moi pourrait se traduire par "les planètes s'alignent". C'est une expression qui nous fait énormément rire avec mes amies, et qui désigne en général ces moments où dans la même journée, l'ex te rappelle, le boulot te félicite et la banque te lâche la grappe. Je serais bien incapable de désosser ce terme de façon plus savante, mais il revient souvent dans mon esprit, comme ce matin où, geignant de rire devant les performances des opposants au mariage gay, je me suis rendue compte que le livre de Theodore Roszak que je savoure en ce moment traite précisément de la question de l'obscurantisme et de l'intolérance. Comme souvent chez cet auteur incroyable.

Roszak je l'ai découvert via "La conspiration des Ténèbres". Un polar fleuve cachant en fait une ode au cinéma, tellement passionnelle qu'elle en a aggravé mon propre cas.  Vous prenez l'atmosphère étouffante du "Maître des Illusions", de Donna Tartt, l'érudition d'un vétéran de Mad Movies et vous confiez le tout à Rozsak et son sens de la mise en scène: ça donne un livre qui m'a tenu en éveil des nuits entières et fait noircir un calepin entier de notes fiévreuses sur les millions de films que j'ai loupés.





Roszak n'est pas pour autant un Robert Merle bis, étant moins bon sociologue, quand il s'est frotté à une réinterprétation de Frankenstein, je l'ai trouvé bien moyen. Et pour "Le diable et David Silverman", là par contre, il m'a de nouveau secouée. Son héros, David Silverman, est un auteur de second plan, spécialisé lui aussi dans la ré-écriture de monuments littéraires. Décrire la grossesse d'Emma Bovary, raconter Moby Dick du point de vue de la baleine. Autant d'excuses pour ne pas se livrer corps et âme à son art, et surtout cacher sa vérité profonde et ses convictions aux yeux du monde. Ayant des factures en souffrance, David accepte de tenir une conférence sur l'humanisme dans une petite université chrétienne du Minnesota. Ca donne un écrivain juif, gay et pas téméraire de nature, se retrouvant en face d'un auditoire de chrétiens fondamentalistes pro-life, anti-homos, et peut-être même un petit peu nazis, on va se régaler les enfants. Ma page est cornée au moment où notre héros réalise, après avoir tenu une conférence ressemblant à un procès kafkaïen, qu'une tempête de neige le bloque à l'intérieur de l'université, bien au chaud, seul contre deux cent extrémistes rôdant dans des couloirs obscurs.

Peu importe comment finira "Le Diable et David Silverman", ce que j'en retiens c'est l’honnêteté intellectuelle profonde qui s'en dégage. Il est troublant de lire les argumentaires des fafs cathos de Roszak, élaborés, découpés au laser et d'une logique implacable à en donner la nausée à ceux comme moi, qui ne croient ni à Dieu ni au Diable, mais veulent croire en quelque chose.

Le vieux Nietzsche disait qu'à regarder dans l'abîme, il finissait par regarder en nous aussi. J'ai eu ce sentiment moultes fois cette année. Dans les cuites, les chagrins et d'autres livres, d'autres œuvres mises sur ma route par ce soit-disant hasard. J'ai tenté d'écrire une chronique sur le "Oussama" de Norman Spinrad: méta casse-gueule. A t'en faire passer l'envie d'écrire tellement tu te retrouves choquée et à six ans d'âge mental, quand tu as tenu un brûlot pareil sous tes yeux.





"Oussama", c'est encore de la fiction à l'heure où on en parle, se déroulant dans un monde où plusieurs pays du Moyen-Orient forment un nouveau conglomérat baptisé le Califat, puissance mondiale et vivier des héritiers spirituels de Ben Laden. Dont l'un d'entre eux se retrouve accidentellement à la tête d'une révolution. Ca part comme ce bon vieux Candide, ça prend l'ampleur des chants des Croisades. Et toi, l'Occidental, l'humaniste, l'éclairé auto-proclamé, tu te retrouves dans une situation bien inconfortable: celle où tu comprends que chacun d'entre nous porte la graine du terroriste en soi. Et quand le monde entier est suspect, qui appeler à la rescousse?

Claire Danes n'était pas mon actrice préférée jusqu'alors. Destinée sans surprise aux rôles en costume élisabéthain et à incarner un truc diaphane pour une dizaine d'années avant de s'effacer devant les soeurs Fanning, la blonde a pourtant mis un gros, gros coup de pied dans la ruche avec Homeland. Elle me scotche. Carrie Matheson me scotche.



Agent de la CIA, Carrie incarne un de ces remparts invisibles contre la menace terroriste, et elle le fait sans aucun glamour. Exit les effets de cheveux de Tom Cruise. Exit l'image d'Epinal de l'espionne bombasse multitâches qui ne s'en tirera pourtant pas sans une intervention masculine cinq minutes avant la fin du film. Carrie Matheson porte des fringues informes, une vieille sacoche en bandoulière, est d'une dureté minérale en apparence, et finit par tomber amoureuse du GI qu'elle soupçonne d'être devenu un ennemi de la nation pendant sa captivité de huit ans en Irak.  Elle est pragmatique, têtue comme une mule, travaille dur, c'est l'anti Ally Mc Beal, vous vous souvenez, l'avocate qui passait sa vie au bar plutôt qu'à plaider. Et puis elle n'a pas des goûts pourris en matière de musique, elle!

Carrie aime le jazz. Une musique complexe, de messages cachés, qui rythme le générique glaçant de Homeland, et symbolise le plus terrible secret de son héroïne: elle est bipolaire. Aussi douée que cinglée. Et elle sait que tout son boulot  ne pardonnera jamais la moindre erreur qu'elle pourrait faire pendant une de ses crises.

Vous savez que la question de la féminité me taraude plus que de raison, que je manque de données, de certitudes sur ce que peuvent faire les femmes de ce monde. Carrie m'a apporté... un grand plein de sérénité. C'est un personnage féminin tout en failles, qui pourtant, ne se demande pas une seconde si elle est l'égale des hommes, si elle peut faire aussi bien qu'eux. Elle fait. Elle se bouge. Ses émotions désaccordées sont sa plus grande qualité. On parle de synchronicité? Il y a quelques jours, un homme qui me connaît depuis plus de dix ans m'a gentiment fait remarquer que les autres voyaient bien mes qualités. Mais que c'était pour mes défauts qu'ils m'aimaient vraiment. Si les qualités sont la carrosserie, les défauts sont les pièces du moteur. Et quand on a compris ça, on avance. Je me sens mieux d'avoir entendu ça, et d'avoir rencontré Carrie Mathison.

N’ayant quand même pas envie de laisser dire qu'on fait toujours moins bien que les ricains, j'ai aussi envie de profiter de l'occasion pour vous présenter un projet dont vous pourriez être le héros. C'est l'équipe de potes de Je ne suis pas Samuel Krohm qui m'a fait connaître la plate-forme de financement participatif Ulule il y a quelques mois. Le deal du site est simple: si un projet ciné présenté dessus vous parle, vous pouvez  participer à son financement, ça commence en général à 5 euros, ça fait du bien au moral de ne pas le mettre dans le dernier Onteniente un soir de désœuvrement, et ça marche, surtout. Alors voilà une interview concise des responsables d'un nouveau projet. Ca s'appelle Burn, ca sent l'onirisme et le voyage au bout des ténèbres. Entretien mail avec Hélène, Jonathan, Robin et Quentin.




Comment avez-vous composé l'équipe qui va bosser sur Burn?

Hélène Roux, actrice : C’est Robin Mahieux en grande partie qui nous a réuni, il nous a rencontré au fil de ses pérégrinations ! De mon coté je ne connaissais qu’Ornella (actrice) avec qui je suis amie depuis plus de 10 ans et Robin, bien sur …


Vous avez opté pour le crowd-funding avec Ulule. Peux-tu nous expliquer ce principe de financement?


Hélène : Pour trouver des coproducteurs, nous avons eu besoin de faire une première levée de fond afin de financer les premiers outils et l’équipe étant un peu partout dans le monde, la logistique n’est pas une mince affaire !
Nous avons tous conscience que Burn a un long chemin à parcourir, et nous espérons tourner à Shangai en septembre prochain, il nous a semblé plus judicieux d’opter pour un financement participatif: nous en sommes à la toute première étape de la préparation du film et nous avions envie d’y  faire participer nos proches, ce système leur offre des contreparties en échange de leurs soutiens (DVD dédicacés, places de concert pour QG….).
Les délais ont également influencé ce choix, lorsque l on passe par une recherche de fond plus classique, les délais administratifs d’aide à la production peuvent prendre de 6 mois à un an, nous nous sommes dit que nous pouvions peut être gagner du temps sur cette étape, l’objectif final étant une sortie de Burn en mars 2014 ma bonne dame !


Robin Mahieux, le réalisateur, mûrit cette histoire depuis très longtemps, d'après sa bio. Qu'est-ce qui te plaît à toi, dans cette histoire, pourquoi tu as voulu travailler dessus?

Hélène : Par coup de cœur ! D'un point de vue personnel, nous avions envie avec Robin de travailler ensemble depuis un moment et c’est l'histoire qui a fait le reste : Nicolas a une écriture très fine… D’un point de vue professionnel, c’est la première fois que je travaille sur un long métrage, et que j’interprète un rôle de « méchant ». Défendre un personnage indéfendable m’a vraiment beaucoup attiré, c’est un vrai rôle de composition et la liberté y est grande,  le challenge était donc à relever ! Et plus on avance, plus je tombe amoureuse de cette équipe…

Henry Chinsky: clin d'œil à l'alter ego de Charles Bukowski - Melas Khole qui veut dire mélancolie: d'emblée il y a des symboliques fortes dans les rôles principaux. De qui toi et les autres acteurs vous êtes-vous inspirés pour élaborer vos personnages? Quelques références à me donner?

Hélène : Ah là je vais poser la question à Jonathan également !


Jonathan : En base d'inspiration, le réalisateur m'a directement renvoyé à l'univers musical d'"Eternal Sunshine of the spotless mind" de Michel Gondry pour la mélancolie poétique qui caractérise le personnage d'Henry et à l'univers plus électronique de Q.G pour la nervosité, la brutalité de son monde intérieur. Sur un plan plus personnel, des références comme "Wendy & Lucy" de Kelly Reichardt ou encore "Lost in translation" de Sofia Coppola sont des moteurs de l'élaboration de ce personnage pour ce sentiment fort de se sentir exister en parallèle du monde et cette solitude titanesque, presque névrotique qui handicape le rapport aux autres.

Hélène : Pour ma part, l’actrice Helena Bonham Carter est une énorme source d’inspiration, elle possède cette mélancolie,  cette sensibilité et cette force qui vont m intéresser pour travailler ce personnage.Sur les conseils de Cyrielle (rôle de Sarah) j’ai relu l’échange de Claudel, le personnage de Lechy Elbernon et Mélas Khol ont cette excentricité commune. Caligula est une de mes références également, sa tyrannie et son rapport aux autres sont de bonnes pistes de travail.


Le film se tournera dans plusieurs endroits: Paris, Shangaï et un mystérieux parc d'attractions abandonné. Tu nous fais une petite visite guidée?


Hélène : La première partie du film se déroule à Paris, où notre protagoniste tente d’écrire un livre. Après sa rupture avec Sarah, il décidera de partir en Chine. Robin est actuellement en repérage là bas, entre Pékin et Shangai…Il souhaite dépeindre ce contraste entre la campagne chinoise et leurs mégalopoles, en passant par Wonderland, un parc d’attraction abandonné.

QG signe la Bo du film. On se souvient de sa collaboration avec Pierre Teulières qui travaille également sur Burn: ca donnait du gros son électro-trash sur un vrai mini film d'horreur. Burn ça sera ça aussi, ou pas du tout, ou un petit peu? A quoi doit-on s'attendre?


Q.G : Justement ca sera différent, une bande originale n’est pas le même exercice  que de celui de faire     danser les gens. C'est une occasion parfaite pour dévoiler un autre visage de Q.G ! Cette bande originale sera électronique bien entendu mais sera au service de l'image. Je m'inspirerai beaucoup des travaux de Wendy Carlos, Vangelis et JM Jarre pour cette bande originale.


Robin : Non. QG et Robin, c'est aussi une histoire de famille ! (deux frères Mahieux, NDLR)
Burn se veut être un drame mêlant une histoire d'amour profonde et le fantastique. Il y'a une marque profonde entre la noirceur du film, ou le personnage principal est plongé dans les ténèbres, et sa beauté, caractérise par un lien puissant entre les personnages et l'amour qu'ils se portent. Les sans visages sont la pour symboliser la mélancolie, le regret ou le non accomplissement de soi. Avant tout , le film est une histoire de cœur, un regard sur l'amour et la société, qui veut aller à l'essentiel de l'être humain.
La bande son compose par QG sortira totalement des sentiers déjà battus . Mêlant électronique et classique, les sons seront accompagnés de mélodie futuristes, à la Vangelis ou Philip Glass.


Si vous souhaitez aider l'équipe de Burn, ça se passe sur leur page Ulule, juste ici.
J'ai à peine le temps de finir ce post. L'abîme m'attend. Je me casse tout de suite à Albi mettre à l'épreuve mon sens du glamour pendant Halloween entre copains. Demain on joue avec Opium du Peuple en Vendée. Dimanche je reviens jouer les belles de nuit pour Alejandro Gimenez.

Je parle moins, je fais. Et je me mets au jazz..


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1 commentaire:

Sabrina a dit…

Dis Pauline, en parlant de synchronicité t'as lu La prophétie des Andes de James Redfield?

Bises Sabrina de la radio :-)