jeudi 20 octobre 2011

Bullet with butterfly wings

On a passé un week-end avec Opium du Peuple et les Opiumettes. Il nous manquait Klodia, du côté des nanas, Kris de Ta Gueule remplace Papas à la gratte, Sylvicious n'était pas à la console, mais ça restait un casting de bons crétins ravis de se retrouver.
Les garçons vont s'atteller au troisième album. Ce qui veut dire que le spectacle en entier va changer. Donc c'était très certainement notre dernière date Opiumettes.

Voilà pour l'aspect dépêche AFP du truc. Maintenant,place aux nerfs, aux tripes, au coeur qui a battu jusqu'à faire mal, ces deux nuits, et pendant un an et demi.

Willy avait fait les photos de presse avec les mecs il y a deux ans, elle y faisait n'imp avec eux dans sa tenue d'écolière coquine. Et puis un soir de St Valentin, alors au chômage, démolie, seule, Slobi, le chanteur, mon pote, me demande de remplacer le Fourb', leur régisseur, sur scène, dans le rôle de Bijou, esclave accessoiriste. "Sois porno chic". Il disait ça à une fille cachée tout au fond d'une dégaine de skateur de quinze ans,  qui s'excusait d'exister entre deux explosions de sincérité au micro sur une petite radio punk dont elle venait d'être remerciée. On l'a fait, moi et mes miches, moi et mes kilos en trop plus solides qu'une armure shogun. J'ai goûté le rouge à lèvres sur ma bouche, j'ai tiré sur mes bas résilles jusqu'à me marbrer la peau, et je suis allée être le contraire de ce qu'on attendait de moi, sur scène, au Rio Grande à Montauban. Je n'en avais plus rien à foutre. Morte de peur mais résolue à faire quelque chose de neuf, à coller un énorme coup de pied dans la fourmilière, moi qui n'était plus personne quand le micro s'était éteint pour la dernière fois à FMR quelques jours avant, qui pleurait à m'en rendre malade dans mon nouvel appart sans meubles. S'il suffisait d'un peu de maquillage et de gentil scandale pour ressentir quelque chose d'agréable à nouveau, j'y allais.

Six mois après, on était à Corsept, au Festival Couvre-Feu, devant dix mille personnes, et je l'ai raconté sur Metal Sickness.

Et là j'ai compris.

J'ai compris ce que j'avais lu dans Dune, des années auparavant, sur la nécessité de maîtriser la peur, de la dompter, de la chevaucher.
J'ai compris que moi qui suis tellement inquiète du regard des autres, je venais de me foutre un électrochoc pour me guérir, au lieu d'y aller mollo, tranquillement.

J'ai compris que les garçons venaient de nous offrir une expérience qu'ont déjà vécue une poignée infime de gens depuis la musique existe. L'Eldorado.

Sur scène, cette nuit-là, j'ai vécu le plus beau moment de ma vie. On était en train de faire une reprise à la con, comme toutes celles qu'ils font, et bien. On chantait, on hurlait, j'étais presque nue, c'était absurde. Et c'était... enfin, j'étais moi. Enfin j'étais Pauline, la gosse qui a su lire trop tôt, l'ado renfermée qui se démolit les mains sur sa guitare, la jeune femme mal aimée, trop grosse, qui venait de perdre un taf qu'elle aimait, de passer un an dans des chambres d'hôpital à visiter ceux qu'elle aime le plus au monde, qui avait était lâchée par ses potes pour qui elle n'était plus assez fun, du coup, est morte de peur pour tout, tout le temps, j'étais tout ça, je l'assumais et je le balançais à dix mille personnes que je n'allais jamais recroiser. J'acceptais tout ça en bloc, d'un seul coup. Tout le crade, le moche, la somme de toutes ces fois où mon ego avait été malmené, par ma très grande faute, moi qui ne voulais pas comprendre que je valais quelque chose, des fois que la vie change radicalement en le pigeant.

J'acceptais que toutes ces douleurs, ces humiliations, ces échecs, fassent partie de moi et m'aient conduite à cette scène inondée de lumière. C'est pas grave. Maintenant tu souris et tu t'amuses. Une seconde sur scène, en vaut mille de souffrances.

Depuis j'ai continué à faire l'autiste à certains aspects. Quand j'apprends combien de personnes m'écoutent quand j'ai mes contrats à France Bleu. Quand des gens que je ne connais pas me parlent de la radio, du rock, de ce que j'écris. Quand je me balade à Toulouse, et qu'en croisant une mamie ou un chauffeur routier, je me dis que peut-être, je les ai fait rire il y a quelques heures de cela, à mon micro, et qu'ils ne sauront peut-être jamais que c'est moi, qu'ils viennent de croiser, une fille plantureuse, rousse, ses écouteurs dans les oreilles, et le sourire en permanence. Quand je me fais emmerder aussi, ça arrive souvent, comme à vous tous, à la moindre prise de tête gratuite, je ferme les yeux, j'entends le hurlement des guitares, j'entends la foule qui s'éclate et devient dingue avec nous, je replonge dans cette lumière magnifique, et le reste se racornit, et part en fumée.

J'aurai toujours une armure. Mais maintenant, elle est faite de mascara, de corsets et d'ondes sonores. Et ça, c'est le cadeau que m'a fait Opium Du Peuple.

Merci les mecs, mes sensei, vous m'avez armée pour tout le reste de ma vie.

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3 commentaires:

papamule a dit…

C'est toujours aussi bon de te lire poulette !
Benji.

Marion a dit…

Putin, ouf l'Ecriture. Ça décrit ce qu'on ose à peine imaginer quand on pense à ce que peut procurer la scène et la musique ; sur le dépassement de soi du coup. C'est aussi une beau regard sur soi-même, sur comment on découvre petit à petit comment se déroule sa propre vie, sur les batailles et les victoires, sur les questions et sur les réponses.
Vraiment, chapeau bas, cha-peau-bas.
Marion

Pauline Espagno a dit…

Merci vous deux, ca fait super plaisir! Marion, en fait, c'est un bilan que je faisais d'une expérience géniale, le tout début, je l'ai écrit ici, si ça te branche... et bienvenue.

http://www.metalsickness.com/live-report-concert-festival-metal/report-metal-festival-opium-du-peuple-tour-report-corpset-2010.html