mercredi 7 décembre 2011

Maïwenn

Par honnêteté intellectuelle, je n'ai pas voulu contribuer au débat houleux sur Maïwenn avant d'avoir vu tous ses films.
Je m'étais empêchée d'avoir un avis sur Baise-moi quand j'étais ado, ne sachant sur quoi me concentrer, la brutalité de la forme, la légitimité du fond. Un peu plus tard, la trilogie Millenium de Stieg Larsson remettait la question du féminisme sur le tapis, via Lisbeth Salander, que ce con de Karl Lagerfeld verrait comme la femme parfaite dans sa maigreur, son mutisme, petit robot défaillant, pur produit de la méchanceté des hommes. Je pensais à tout cela en me penchant sur l'oeuvre de Maïwenn Le Besco ces derniers temps. Une oeuvre de trois films, où elle se met sans arrêt en scène, peu ou prou.

On lui crache dessus, on l'adore. Elle fait le buzz. Mariée à seize ans à Luc Besson, puis maquée à un homme d'affaires, puis à Joey Starr. Beauté un peu dérangeante, puisqu'on ne peut pas ne pas en parler, des façons de petite fille, la dureté du sang kabyle également. L'actrice,soit-disant passée à la trappe pour laisser place à la réalisatrice, commencant sa carrière avec "Pardonnez-moi", hurlement de rage plus ou moins chorégraphié. On l'y voit à chaque scène: c'est son histoire familiale pas vraiment romancée. Ensuite, "Le Bal des Actrices", que j'ai trouvé drôle, très satisfaisant pour mes pulsions voyeuristes (j'en ai comme tout le monde, et vous aussi, sinon vous ne sauriez pas qui est Maiwenn). "Polisse", le dernier, est en salles depuis cinq semaines, et il contient suffisament de scènes poignantes pour qu'on appelle ça un vrai film.

Ce qu'on reproche à Maiwenn, c'est son exhibitionnisme. Laissez-moi rire.
A l'heure de Facebook et de l'appareil photo numérique à cent euros, les gens qui ne s'exposent pas sont des parias ou des créatures exotiques, au mieux. Ce qu'on reproche vraiment à cette meuf, c'est d'assumer son envie d'être vue, mirée, scrutée, ce qu'on lui reproche, c'est de vouloir à tout prix exposer sa vie, nous la raconter. Dans la cour de récré, on disait "oh bé té celle-là elle fait son ingtéréssante". Bah ça marchait bien, c'était les petites endives jalouses qui se faisaient pas remarquer.

Je suis touchée par Maïwenn pour un point commun que nous avons: aucune imagination. Comme elle, je ne sais pas inventer des histoires. Ceci dit, je sais raconter celles que j'ai vécues, ou juste vues. Elle c'est pareil. La moitié de son œuvre sonne faux, c'est celle où elle fabule, où ses personnages lui échappent et ne survivent que par le travail d'acteurs toujours bien choisis . Par exemple, Charlotte Rampling dans le bal des actrices, devant assumer le rôle de la doyenne du casting, sous-exploitée dans son rôle de matriarche recluse au point qu'on ne comprend pas son intervention - c'est quand même la bonnasse de Portier de Nuit, à la base!
L'autre moitié de ce travail, celle issue de l'observation, d'un regard aigu sur le monde, d'une grande compréhension des gens, est vivace, fait sursauter, rire, et choque. L'engueulade entre Karin Viard et Marina Fois dans Polisse est un moment incroyable, elles se jettent gentiment, puis crescendo, pour finir dans une effroyable cacophonie ou giclent insultes et fournitures de bureau. Joey Starr se voit offrir pour la deuxième fois une chance de jouer les bons papas poules, il le fait tranquillement, se foutant pas mal d'être réhabilité aux yeux du public après avoir collé une bouffe à un singe, mais voulant faire plaisir à sa nana réalisatrice.

  Dans "Pardonnez-moi", le tout premier, c'est elle l'héroïne. Elle raconte son enfance malheureuse, gamine battue par ses deux parents, sommée de courir les castings. Lors de la première de son spectacle au théâtre, son père vient dans sa loge pour lui offrir un pain maison, rappelant tout ceux, sans levure, qu'il lui a balancé dans la tête quand elle était petite, finalement. Elle voudrait qu'il lui offre enfin des fleurs, des bravos, des bisous. Elle ne les aura jamais car elle ne peut parler que d'un truc: elle, et son histoire familiale pourrie par ses parents.

 Pour le Bal des Actrices, elle aurait pu tourner  son faux documentaire sans s'ajouter au casting dans un rôle de copine de stars, c'est vrai. Mais ce faisant, elle n'aurait pas pu expliquer comment elle obtenait des confessions aussi crues de ses actrices, les larmes de Romane Bohringer qui craque après un casting foiré, Jeanne Balibar qui saccage la caisse de son ex, bref tout ce qui a fait de ce film un bon moment de cinéma.

Pour son rôle dans Polisse, c'est plus subtil, enfin. Que fait-elle dedans? Elle est photographe commanditée par on ne sait trop qui avec du bide et des galons, pour réaliser un reportage photo sur la Brigade des Mineurs du secteur nord de Paris. On la voit silencieuse, grignotant ses croissants bio, faisant apparts séparés avec le père de ses enfants, ils sont beaux comme une pub Kooples mais point de passion derrière, que tchi, donc elle rencontre Joey Starr, elle laisse tomber ses fausses RayBan à verres blancs et elle emménage à Barbès, ouf, le bad boy fait amende honorable en sauvant aussi la bobo, le quota romance du film est respecté. C'était un leurre.

Le rôle que Maïwenn aurait dû s'attribuer, si elle avait fait ce que tout le monde attendait qu'elle fasse, c'est celui d'Iris, alias Marina Foïs. Une fliquette vénère, jolie mais garçon manqué, soupe-au-lait, masochiste, anorexique, dont les terribles névroses et leurs conséquences sont sans doute le fil rouge du film. pas les errances de Maïwenn, qui arrive enfin dans Polisse à donner vie à un personnage consistant, en s'inspirant un peu de sa douleur personnelle, mais en lâchant enfin prise et en faisant confiance à une autre actrice pour gérer cette douleur.

J'adore pas Maïwenn, je ne lui crache pas dessus. Elle m'intrigue. Et dans le paysage cinématographique français aujourd'hui, c’est déjà pas mal.
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