mercredi 27 juin 2012

Fractures ouvertes

En ce mercredi, le mercure va grimper à 34 C° à Toulouse. J'irai me planquer au ciné, étant à peu près sûre de trouver plus d'entertainment dans Men In Black 3 que dans Prometheus. Merde j'ai rompu mon vœu pieux de ne jamais reparler de ce film.

Mon court-métrage à moi, "Ogres", il va devoir attendre un petit peu. Si je veux faire ça comme je le veux, il me manque juste mille dols. Le seul avantage que j'en retire, d'avoir mon projet perso freiné par deux-trois abrutis qui utilisent mes dossiers Pôle Emploi pour caler leur bureau, c'est que je réfléchis à fond sur tout ce que je veux vraiment dire dans ce projet-là. J'écris, je rature, je m'engueule quand je me prends en flagrant délit d'hypocrisie. J'ai envie d'un court aussi vicieux qu'un bonbon au poivre, et jusqu'à il y a quelques temps, il ressemblait plus à un Gummy Bear fondu dans une trousse Dora l'Exploratrice. Et puis la vie te rattrape, et tu te souviens que pour créer et donner un truc qui te ressemble, il faut n'en avoir plus rien à foutre de rien. Et alimenter ses émotions jusqu'à la surcharge. C'est pour ça que j'ai fini par aller voir "De Rouille et d'Os".




J'y allais à reculons, d'abord à cause de Marion Cotillard qui a tendance à me gonfler plus sûrement qu'un premier jour de soldes, ensuite parce qu'ayant un petit cœur en papier mâché, les histoires d'amour au ciné, c'est pas ce vers quoi je me rue spontanément. Le cinéma et la musique que j'aime sont des boucliers levés au-dessus de ma tête: metal, punk et gore, pour oublier les bobos de l'âme au lieu de les inciser proprement pour qu'ils guérissent. A l'image de ce qui arrive à Stéphanie, le personnage de Cotillard dans ce film.

De Rouille et d'Os, ce sont deux trajectoires humaines, dont rien ne dit qu'elles vont un jour finir par se rejoindre. Celle d'Ali, paumé, vaguement boxeur, qui débarque en catastrophe chez sa grande sœur à Antibes, avec un gamin de cinq ans dans les bras, le sien, qu'il a arraché à sa mère dealeuse. Celle de Stéphanie, qu'il rencontre en travaillant comme vigile dans une boîte de nuit, belle comme une sirène grimée en pouffiasse, arrogante, qui répond à la moindre insulte sur sa dégaine à grands coups de boule. Stéphanie est dresseuse d'orques. Elle dirige ses monstres avec grâce devant un marineland rempli de touristes rougeauds, en dansant sur "I like to move it", tableau qui serait à mourir de rire si la caméra d'Audiard, nerveuse, comme dans un reportage de guerre, ne nous préparait pas très vite à l'innommable.

Sur Facebook, en cherchant plus de renseignements sur le film, je suis tombée sur un groupe intitulés "Pour ce qui pense que "De Rouille et d'Os", c'est Intouchables 2". J'allais écrire cette chronique sans avoir trouvé ce groupe, mais ma réflexion s'en trouve un peu enrichie, merci à eux.
Intouchables partait d'une idée que les gens de ce groupe trouvent donc similaire, deux individus qui n'ont rien en commun, finissent par s'épauler mutuellement, l'un étant le garde-malade détonnant et optimiste de l'autre, paraplégique et désespéré. De Rouille et d'Os, c'est une histoire sur les monstres et la peur. Stephanie voit ses orques échapper à son contrôle, elle y perdra ses deux jambes, sa beauté, l'envie de vivre. Ali, lui, ne sait même pas pourquoi il vit, fonctionne binairement, un pas après l'autre, ne se pose aucune question, mais le monstre, celui qui doit être dressé, c'est lui, et on le comprend dans une scène où, ne se rendant pas compte qu'il est en train de brutaliser son fils, il ressemble plus à un orque balourd qu'à un être humain. On est bien loin d'Intouchables.

La guérison aura bien lieu. Et bizarrement, c'est Stéphanie qui va reprendre le dessus de façon fulgurante et faire naître un beau brasier dans le cœur des spectateurs. Audiard a produit un film, pardon de le dire maintenant qu'on est débarrassés de Sarkozy, totalement décomplexé. Marion Cotillard incarne une femme lumineuse, qui bien vite se rend compte qu'elle aime la vie, passionnément.

Elle se baigne à poil, plus magnifique que la fameuse couverture de "Elle" où Emmanuelle Béart faisait de même, et avait causé je ne sais plus combien de carambolages en voiture. Dans son fauteuil roulant, seule à l'aube, elle se remet à esquisser sa chorégraphie de dresseuse, avec Katy Perry à donf en fond sonore, choix qui m'a estomaquée, française que je suis, pour finalement me ravir, me faire marrer, et m'émouvoir. Elle retourne affronter son monstre, cet orque qui lui a volé ces jambes, et la rencontre tant redoutée devient un moment de pure poésie. Elle revit aussi grâce à Ali, qui la sort dans ses combat de boxe clandestins, la secoue, et devient son amant. Point de voyeurisme dans les scènes de nu, le corps mutilé de Stéphanie est filmé avec adresse, sans fard, et enrobé d'un éclairage totalement érotique.

Peut-être trouverez-vous d'autres leçons dans ce film, la mienne est incarnée par l'actrice qui me faisait le plus soupirer de lassitude au monde, et qui a fini par m'émouvoir avec une classe... oui, hollywoodienne.

Pour affronter ses plus grandes peurs, il faut partir d'un seul principe: quoi qu'on fasse, qu'on dise, la terre ne s'arrêtera pas de tourner. Moi ma plus grande peur, c'est de perdre le goût de vivre. Mais même si ça se produisait... la terre continuerait à tourner, sans moi. Alors que faire? L'admettre. L'accepter et se remettre en marche. En aimant, en rigolant, en faisant des conneries, en me battant, parfois aussi violemment que Stéphanie qui, bien qu'handicapée, reste une fille au sang chaud avec beaucoup d'orgueil.

J'ai adoré de Rouille et d'Os parce qu'il finit bien. Sa morale est simpliste mais superbement traitée: l'amour ne rend pas immortel, ni plus intelligent, mais il nous fait tenir debout, comme nos squelettes, pauvres carcasses qu'on malmène tant avant d'apprendre à les protéger.





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