jeudi 10 octobre 2013

Season of the bitch


Il est important, essentiel pour une société, pour un être humain civilisé, d'avoir des rituels et de les respecter. Toute société harmonieuse l'est grâce au maintien en son sein de certaines formes de déviances. Je suis quelqu'un d'assez gentil et discipliné, qui paye des impôts, aime bien les vidéos de petits chats et pense parfois à trier ses ordures. Alors je m'accorde le droit d'écouter des groupes qui vénèrent Satan pour de faux, et de regarder des films et des séries parlant du Mal sous toutes ses formes.




 Le Mal m'intéresse. Quand on le tourne en dérision, quand on l'explique. Mais aussi quand il prend sa source dans les comportements les plus triviaux et banals, en tout un chacun, quand aucune force plus grande ne peut s'opposer à lui. C'est pour ça que j'aime American Horror Story. La troisième saison vient de débuter aux Etats-Unis, je sors à peine du visionnage du premier épisode.


En 2011 nous avions eu droit à une époustouflante histoire de fantômes, mal exploitée à certains égards, certes (un spectre de nourrisson vénère dans une cave qu'on voit à peine deux secondes, c'est du gâchis), mais dont la noirceur, la beauté graphique et l'implacabilité de ses scénaristes m'avaient propulsée au septième ciel. Il m'avait été difficile de digérer le bordel monstre que représentait la deuxième saison d'American Horror Story l'an dernier. J'avais suivi les treize épisodes de cette saison de façon désabusée, hyper enthousiaste au premier épisode, impatiente d'en finir dès la moitié de la saison. En matant Sharknado entre copains il y a peu, nous nous attendions à un pandémonium de dialogues à se pisser dessus, testostérone et faux raccords, tous les défauts qui font la différence entre un merveilleux nanar et un film simplement mauvais. Une tornade remplie de requins qui déferle sur la Californie? Mais bon dieu, même si Léa Seydoux et Louis Garrel avaient joué dedans, ça gardait une chance d'être le nanar de la décennie. Donc un des meilleurs films qui soit, selon mon échelle de valeurs. Nous nous sommes retrouvés devant un film idiot qui faisait l'erreur fatale de se prendre au sérieux. Trop propre. Un peu comme le Through the Never de Metallica que j'évoque sans même vouloir le mater parce que je sais déjà qu'il ne sera pas drôle. Alors que quatre gonzes qui sont devenus multi millionaires en chantant des horreurs sur la Bible, ya rien de plus drôle que ça. En théorie. Mais je sais déjà que ça sera une salade indigeste et pas scénarisée pour un sou, pourtant sur-produite, mais hyper frustrante au final. 

Bref la deuxième saison d'American Horror Story, c'était ça aussi: un parc d'attraction télévisuel autoproclamé, mêlant possession démoniaque, nazis, zombies, extra-terrestres, racisme, homophobie et hippies. Parfois un scénar c'est comme une bouffe, il vaut mieux une assiette de jambon-purée maison, préparée simplement avec attention et amour, qu'un monstre en sauce à huit mille couches de viandes sorti de chez Epic Meal Time.

Et là je crois, j'espère, je prie pour que ça soit bel et bien le cas pour cette nouvelle saison. Mais j'aime ce que j'ai vu à l'instant.

Evoquons quelques menus détails malins qui m'ont faite battre des mains: un clin d'oeil au Romeo + Juliet de Baz Lurhmann lors de la rencontre entre le couple d'amoureux de cette saison, un morceau d'Iron Butterfly sur une scène de meurtre, la présence de Gabourey Sidibe et Jamie Brewer en apprenties sorcières badass avec des pouvoirs bien guedins, alors qu'elles sont respectivement noire et obèse pour la première, et atteinte du syndrôme de Down pour la seconde. Manoeuvre de casting ultra démago? Peut-être. Perso je m'en fiche. C'est fini les sorcières Barbies à la Charmed, Dangereuse Alliance et autres horreurs aseptisées.

Et pour finir , abordons la présence d'Emma Roberts au casting de cette saison. L'actrice renommée « Nepotism Roberts » par la presse américaine se retrouve avec un rôle qui désamorce la polémique à son sujet. Emma Roberts a la réputation d'être une starlette dénuée de talent, aurait tabassé son mec (Evan Peters, présent dans la série), bref, la petite n'a pas été accueillie à bras ouverts par les fans d'AHS, cf. la page facebook officielle de la série. Emma Roberts hérite donc du rôle d'une... starlette à la ramasse, insupportable, incontrôlable, langue de vipère, mais qui dès le premier épisode, subit quelque chose de si horrifique qu'on passe en deux secondes du mépris à l'empathie pure pour son personnage. La manip est énorme, et très efficace. Venons-en maintenant aux gorgones de la série.

J'aime que le premier épisode s'ouvre sur une Kathy Bates monstrueuse, boursouflée, dans le rôle de Delphine LaLaurie, une serial killer et dame de la haute société de la Nouvelles Orléans au 19ème siècle. Kathy Bates sera toujours Annie Wilkes dans « Misery », en fait, incarnera toujours la folie la plus immonde, et là elle a dû s'amuser comme une petite folle. Elle est cruelle, assoiffée de sang, tabasse sa fille, torture ses esclaves, se badigeonne avec leurs organes pour tenter de conserver sa jeunesse éternellement.

En face, Jessica Lange, au début du 21ème siècle. Reine des sorcières, robe Versace noire, talons aiguilles, nez dans la cocaïne, désespérée voir une seule chose lui résister, malgré ses pouvoirs fabuleux et les milliards de son défunt mari: sa mortalité. Elle aussi. Et elle a, elle aussi, une relation bien pourrie avec sa fille. On n'en sait pas vraiment plus sur Angela Bassett, qui incarne Marie Laveau, reine du vaudou et contemporaine de LaLaurie au début de la série. D'emblée, cette trinité féminine séduit, intrigue, mais on se demande comment les scénaristes d'AHS vont manier ces trois harpies pour que la nouvelle saison ne sombre pas dans le grand-guignol une fois de plus. C'est ma principale inquiétude.

Cette quête de la fontaine de jouvence et de l'éternité est un thème qui me turlupine en ce moment. Il avait été très bien traité dans la « Comtesse », de Julie Delpy, que j'ai savouré récemment, un vrai petit bijou austère et déprimant à souhait. Mais je viens de trouver un article sur Regine-déco.fr qui me révèle que vu mes trente balais passés, j'ai déjà perdu 90% de mes ovules. J'ai moins kiffé. Souvent je pense à ce moment de ma vie, où, vieille, parcheminée, quand la peau sous mes bras fera flop-flop, je réaliserai que je n'ai pas fait un stage dive ou l'amour depuis vingt ans. Peut-être qu'à ce moment-là je n'en aurai plus rien à cirer, mais en octobre 2013, cette pensée me terrorise jusqu'aux os. Cette terreur est donc un moteur surpuissant. Assez pour donner corps et vie aux trois tarées d'American Horror Story Coven? Largement. Messieurs les scénaristes, ne me trahissez pas. Comprenez-moi dans mes peurs les plus intimes et exorcisez-les sur le petit écran. Je vous rejoins pour le sabbat hebdomadaire, en confiance, et avec un parfait amour.
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