Il est important, essentiel pour une
société, pour un être humain civilisé, d'avoir des rituels et de
les respecter. Toute société harmonieuse l'est grâce au maintien
en son sein de certaines formes de déviances. Je suis quelqu'un
d'assez gentil et discipliné, qui paye des impôts, aime bien les
vidéos de petits chats et pense parfois à trier ses ordures. Alors
je m'accorde le droit d'écouter des groupes qui vénèrent Satan
pour de faux, et de regarder des films et des séries parlant du Mal
sous toutes ses formes.
Le Mal m'intéresse. Quand on le tourne en
dérision, quand on l'explique. Mais aussi quand il prend sa source
dans les comportements les plus triviaux et banals, en tout un
chacun, quand aucune force plus grande ne peut s'opposer à lui.
C'est pour ça que j'aime American Horror Story. La troisième saison
vient de débuter aux Etats-Unis, je sors à peine du visionnage du
premier épisode.
En 2011 nous avions eu droit à une
époustouflante histoire de fantômes, mal exploitée à certains
égards, certes (un spectre de nourrisson vénère dans une cave
qu'on voit à peine deux secondes, c'est du gâchis), mais dont la
noirceur, la beauté graphique et l'implacabilité de ses scénaristes
m'avaient propulsée au septième ciel. Il m'avait été difficile de
digérer le bordel monstre que représentait la deuxième saison
d'American Horror Story l'an dernier. J'avais suivi les treize
épisodes de cette saison de façon désabusée, hyper enthousiaste
au premier épisode, impatiente d'en finir dès la moitié de la
saison. En matant Sharknado entre copains il y a peu, nous nous
attendions à un pandémonium de dialogues à se pisser dessus,
testostérone et faux raccords, tous les défauts qui font la
différence entre un merveilleux nanar et un film simplement mauvais.
Une tornade remplie de requins qui déferle sur la Californie? Mais
bon dieu, même si Léa Seydoux et Louis Garrel avaient joué dedans,
ça gardait une chance d'être le nanar de la décennie. Donc un des
meilleurs films qui soit, selon mon échelle de valeurs. Nous nous
sommes retrouvés devant un film idiot qui faisait l'erreur fatale de
se prendre au sérieux. Trop propre. Un peu comme le Through the Never de
Metallica que j'évoque sans même vouloir le mater parce que je sais
déjà qu'il ne sera pas drôle. Alors que quatre gonzes qui sont devenus multi millionaires en chantant des horreurs sur la Bible, ya rien de plus drôle que ça. En théorie. Mais je sais déjà que ça sera une salade indigeste et pas scénarisée pour un sou, pourtant sur-produite, mais hyper frustrante au final.
Bref la deuxième saison d'American
Horror Story, c'était ça aussi: un parc d'attraction télévisuel
autoproclamé, mêlant possession démoniaque, nazis, zombies,
extra-terrestres, racisme, homophobie et hippies. Parfois un scénar
c'est comme une bouffe, il vaut mieux une assiette de jambon-purée
maison, préparée simplement avec attention et amour, qu'un monstre
en sauce à huit mille couches de viandes sorti de chez Epic Meal
Time.
Et là je crois, j'espère, je prie
pour que ça soit bel et bien le cas pour cette nouvelle saison. Mais
j'aime ce que j'ai vu à l'instant.
Evoquons quelques menus détails malins
qui m'ont faite battre des mains: un clin d'oeil au Romeo + Juliet de
Baz Lurhmann lors de la rencontre entre le couple d'amoureux de cette
saison, un morceau d'Iron Butterfly sur une scène de meurtre, la
présence de Gabourey Sidibe et Jamie Brewer en apprenties sorcières
badass avec des pouvoirs bien guedins, alors qu'elles sont
respectivement noire et obèse pour la première, et atteinte du
syndrôme de Down pour la seconde. Manoeuvre de casting ultra démago?
Peut-être. Perso je m'en fiche. C'est fini les sorcières Barbies à
la Charmed, Dangereuse Alliance et autres horreurs aseptisées.
Et pour finir , abordons la présence
d'Emma Roberts au casting de cette saison. L'actrice renommée
« Nepotism Roberts » par la presse américaine se
retrouve avec un rôle qui désamorce la polémique à son sujet.
Emma Roberts a la réputation d'être une starlette dénuée de
talent, aurait tabassé son mec (Evan Peters, présent dans la
série), bref, la petite n'a pas été accueillie à bras ouverts par
les fans d'AHS, cf. la page facebook officielle de la série. Emma
Roberts hérite donc du rôle d'une... starlette à la ramasse,
insupportable, incontrôlable, langue de vipère, mais qui dès le
premier épisode, subit quelque chose de si horrifique qu'on passe en
deux secondes du mépris à l'empathie pure pour son personnage. La
manip est énorme, et très efficace. Venons-en maintenant aux
gorgones de la série.
J'aime que le premier épisode s'ouvre
sur une Kathy Bates monstrueuse, boursouflée, dans le rôle de
Delphine LaLaurie, une serial killer et dame de la haute société de
la Nouvelles Orléans au 19ème siècle. Kathy Bates sera toujours
Annie Wilkes dans « Misery », en fait, incarnera toujours
la folie la plus immonde, et là elle a dû s'amuser comme une petite
folle. Elle est cruelle, assoiffée de sang, tabasse sa fille,
torture ses esclaves, se badigeonne avec leurs organes pour tenter de
conserver sa jeunesse éternellement.
En face, Jessica Lange, au début du
21ème siècle. Reine des sorcières, robe Versace noire, talons
aiguilles, nez dans la cocaïne, désespérée voir une seule chose
lui résister, malgré ses pouvoirs fabuleux et les milliards de son
défunt mari: sa mortalité. Elle aussi. Et elle a, elle aussi, une
relation bien pourrie avec sa fille. On n'en sait pas vraiment plus
sur Angela Bassett, qui incarne Marie Laveau, reine du vaudou et
contemporaine de LaLaurie au début de la série. D'emblée, cette
trinité féminine séduit, intrigue, mais on se demande comment les
scénaristes d'AHS vont manier ces trois harpies pour que la nouvelle
saison ne sombre pas dans le grand-guignol une fois de plus. C'est ma
principale inquiétude.
Cette quête de la fontaine de
jouvence et de l'éternité est un thème qui me turlupine en ce
moment. Il avait été très bien traité dans la « Comtesse »,
de Julie Delpy, que j'ai savouré récemment, un vrai petit bijou
austère et déprimant à souhait. Mais je viens de trouver un
article sur Regine-déco.fr qui me révèle que vu mes trente balais
passés, j'ai déjà perdu 90% de mes ovules. J'ai moins kiffé.
Souvent je pense à ce moment de ma vie, où, vieille, parcheminée,
quand la peau sous mes bras fera flop-flop, je réaliserai que je
n'ai pas fait un stage dive ou l'amour depuis vingt ans. Peut-être
qu'à ce moment-là je n'en aurai plus rien à cirer, mais en octobre
2013, cette pensée me terrorise jusqu'aux os. Cette terreur est donc
un moteur surpuissant. Assez pour donner corps et vie aux trois
tarées d'American Horror Story Coven? Largement. Messieurs les
scénaristes, ne me trahissez pas. Comprenez-moi dans mes peurs les
plus intimes et exorcisez-les sur le petit écran. Je vous rejoins
pour le sabbat hebdomadaire, en confiance, et avec un parfait amour.
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